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Faciliter la transition agroécologique

Avez-vous déjà remarqué cet état de passivité dans lequel on place l’apprenante? Assise, en silence, immobile, on la contraint à écouter, pendant des heures. Au même moment, avez-vous remarqué à quel point on demande à l’enseignant d’être dynamique, ludique, intéressant, claire, pédagogue, attrayant, des heures durant? Debout, gesticulant, redoublant de créativité pour réussir à intéresser une personne passive et immobile…. Tout cela me semble un peu contradictoire.


On appelle cela la transmission verticale de savoirs. Cela va en sens unique, de haut en bas. C’est ainsi qu’on enseigne la plupart du temps dans le système conventionnel. Une personne, réputée ‘’experte’’ dans un sujet donné, partage son savoir à une personne réputée ‘’non experte’’ dans le même sujet. L’un donne, l’autre reçoit...l’un vend, l’autre achète. Bien que cet exemple soit caricaturé à l’extrême, beaucoup prennent pour acquis que c’est la seule manière de transmettre des connaissances.


Heureusement, il est possible d’établir des relations horizontales entre des personnes. Ainsi, on peut construire et développer ensemble des savoirs de manière horizontale. Au sein d’une communauté, il existe toujours une personne qui en sait plus qu’une autre sur un sujet donné, même si elle n’est pas une experte à proprement dit. En fait, nous sommes toutes et tous des experts de notre propre quotidien, multidisciplinaires. Ensemble, une communauté détient énormément de connaissances. La méthodologie que je veux vous présenter ici a pour résultat de donner les outils à une communauté pour prendre en main ses savoirs et s’assurer de leur préservation, leur transmission et leur co-création.


Comme on peut le lire dans l’article Bringing agroecology to scale: key drivers and emblematic cases, Agroecology and Sustainable Food Systems**, la méthodologie de transmission horizontale des savoir-faire ‘’campesino-a-campesino’’ a vu le jour à Chimaltenango au Guatemala au sein de communautés paysannes Maya Kaqchikel. Soutenues par quelques ONG, ce mouvement agroécologique paysan s’est inspiré non seulement de sa culture indigène, des traditions du partage de travail et de l’éducation populaire latino-américaine, mais aussi de la théologie de la libération et des pratiques pédagogiques horizontales de Paolo Freire. Ces pratiques et courants de pensée ont permis de répandre des techniques agroécologiques plus efficaces et lucratives que l’agriculture conventionnelle, qui tenait en esclavage les ouvriers et ouvrières agricoles. En permettant aux paysans et paysannes de s’émanciper du dur travail dans les plantations et de reprendre possession de leurs terres, cette méthodologie contribue considérablement à la souveraineté alimentaire des peuples qui la pratique.


Toujours selon les auteurs de l’article cité plus haut, la clé de la massification de la méthodologie ‘’campesino-a-campesino’’ au travers de l’Amérique réside dans la répression dont ont été victime les coopérantes agroécologistes Guatémaltèques en 1980, lorsque les grands propriétaires terriens (les ‘’latinfundistas’’) ont appelé les militaires fédéraux pour déposséder les paysans de leurs terres. En effet, plusieurs promoteurs et promotrices agroécologiques ont ainsi dû quitter leur région pour travailler et s’installer au Mexique, Honduras et Nicaragua. C’est cette diaspora qui a en premier répandu la méthodologie CaC en Amérique latine.


Ainsi, cette communauté migrante a été facilitatrice du processus de transmission des connaissances agroécologiques chez les communautés locales. En recevant de manière horizontale des savoir-faire pratiques, les organisations paysannes locales ont pu les adapter à leur contexte et se les approprier. Ainsi, il n’y a pas de ‘’copyright’’ sur la technique, seulement un potentiel infini de l’améliorer et de l’adapter à toutes sortes de contextes et de réalités.


À plus petite échelle, la facilitation agroécologique consiste à favoriser l'échange de savoir-faire artisans et paysans au sein d’une même communauté. Le facilitateur ou la facilitatrice a pour mission de repérer les potentiels ‘’promoteurs’’ ou ‘’promotrices’’ de l’agroécologie. Ce sont des paysannes ou artisans qui détiennent un bon savoir-faire et qui sont motivés et capables de transmettre leur connaissances. La facilitation consistera à leur donner les outils pour bien appliquer la méthodologie, ce qui peut être par exemple une base de communication et de pédagogie. Le but du facilitateur ou de la facilitatrice est d’éviter de créer un rapport de dépendance. Il ou elle doit faire son travail dans l’optique d’aider la communauté à être autonome dans le processus de transmission des connaissances.


Impliquée dans sa communauté agroécologique, la facilitatrice connaît bien les techniques agroécologiques et volets d’action de la transition. Elle est souvent elle-même une paysanne accomplie. Elle est connue et reconnue par sa communauté et est une bonne communicatrice. Elle a de la facilité à organiser des événements et à regrouper les gens. Le plus souvent elle oeuvre au sein d’une organisation paysanne. C’est elle qui va repérer les membres motivées de sa communauté (les promoteurs et promotrices).


Lyne Bellemare, semencière à l'Île Bizard, Montréal, partage des techniques de conservation des semences lors d'une journée à la ferme organisée en collaboration avec l'équipe de facilitation du Centre paysan.


La facilitatrice va soutenir l’organisation, par exemple, d’une journée de partage et d’apprentissages sur une ferme où la communauté sera conviée à venir échanger sur une technique agroécologique particulière. De cette manière, la promotrice (gestionnaire de la ferme) qui partage ses connaissances pourra aussi bénéficier de la précieuse expérience paysanne rassemblée chez elle et pourra surement elle aussi améliorer et adapter ses pratiques.


Ainsi, le rapport de pouvoir entre un expert et des apprenants est éliminé. Chaque personne est active dans le processus d’apprentissage et les chapeaux sont interchangeables. Tantôt j’explique à mon voisin comment utiliser le paillis végétal, tantôt il me montre comment installer un système d’irrigation. Et aujourd'hui, nous développons ensemble un système d’irrigation sous paillis végétal pour le jardin communautaire. Nous sommes experts et expertes de notre quotidien et serions égoïstes de garder nos savoir-faire pour nous.


C'est par la facilitation et la promotion que nous pourrons multiplier les pratiques agroécologiques au sein de nos communautés, en nous les enseignant entre nous et en les adaptant ensemble à nos différents contextes.


**Source:

Mateo Mier y Terán Giménez Cacho, Omar Felipe Giraldo, Miriam Aldasoro, Helda Morales, Bruce G. Ferguson, Peter Rosset, Ashlesha Khadse & Carmen Campos (2018) Bringing agroecology to scale: key drivers and emblematic cases, Agroecology and Sustainable Food Systems, 42:6, 637-665, DOI: 10.1080/21683565.2018.1443313 https://doi.org/10.1080/21683565.2018.1443313

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